Dédale, sans image Sonia Cantalapiedra Paru dans le la revue NU(e) n°16 sur Ph. Raymond Thimonga et Ph. Renonçay (2001). « Et c’était maintenant ainsi que lui apparaissait le monde de dessus terre : comme une forêt sauvage qu’emplissait la mort. » L’homme qui vivait sous terre R.WRIGHT La mémoire se délite. Toutefois, hors de question de laisser s’effacer les traces de ces yeux-là, éperdument ouverts à d’autres regards qui s’échappent, esquives discrètes d’un mal-être qui se tait. Hors de question de laisser s’effacer les traces de leurs bras écartelés par l’attente d’une improbable étreinte, quand bien même éphémère. Hors de question de laisser s’effacer les traces de tant de souffrances. Il faut retourner là-bas. Ce n’est pas terminé. Janvier 1997, début de la préparation du film. Avril 2000, fin du tournage du film, Dédale. Silence (son silence) C’est vrai, les mauvais souvenirs on s’en rappelle pas trop bien, c’est un flash. Je crois que si on s’en rappelait, on resterait paralysé. Si on se rappelait la rage, la galère où on était — je la souhaite vraiment à personne. Pendant 8 mois, une petite année, rien à foutre de la vie. J’étais là, je m’en foutais de […]
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Paroles d’à côté Sonia Cantalapiedra Paru dans l’ATELIER DU ROMAN n°39 sur R. MUSIL, éd. Flammarion (2004). Ces entretiens ont été recueillis lors du tournage d’un film, Dédale, chroniques de l’égarement, sur la misère en France, perçue à travers les portraits de jeunes hommes SDF. Le tournage qui a duré neuf mois a été effectué après une année d’observation sur le terrain. Après avoir connu ou croisé environ une centaine de jeunes gens en galère et filmé quelque soixante-quinze heures d’images, les fragments d’entretiens qui ont été donnés à voir, à entendre ou à lire tentent de refléter le plus fidèlement possible l’ensemble des rencontres et des observations. Boumedienne, assis sur son lit, murs ternes et nus, lumière au néon. Moi, je trouve que l’homme s’habitue à tout et ça, ça fait peur. Ça m’a fait flipper. S’habituer… On aurait pu me jurer, j’te jure, qu’un homme qui vit ces moments-là de sa vie y peut pas les supporter, j’aurais dit oui. Maintenant, je dis non ; il supporte tout, tout. Il traverse le temps comme ça. Même si [il hésite] l’homme, il devait bouffer de la terre, eh bien il est là. Chais pas, il supporte tout… […]
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